Centre de recherches juridiques
de l’Université de Franche-Comté

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Café des doctorant.e.s

Alexandre Massard, la distinction du fait et du droit

25 novembre 2020
— 13:30
➔ 14:30
Visioconférence

Le deuxième café des doctorant.e.s accueillera Alexandre Massard qui nous entretiendra, en visioconférence (Teams), de son travail de thèse (dirigée par François Colonna d’Istria), qui porte sur la distinction du fait et du droit en matière contractuelle.

Public : étudiants (tous)

Inscription : elle est obligatoire, se fait auprès du CRJFC : contact-crjfc@univ-fcomte.fr (intitulé du mail : « café doctorants »). Par retour de mail vous sera adressé le code Teams de connexion.

Résumé : « Les juristes savent-ils qu’ils ignorent ce qui, dans le contrat ou la propriété, relève du droit ? » La réalité de la distinction a été de nombreuses fois critiquée au-delà de nos frontières et de l’étude du droit français, voire contestée. Au minimum a-t-on souligné la difficulté qu’il y avait à opérer une distinction qui « cache de nombreuses difficultés et maintes nuances. » L’appréhension du fait, toujours indirecte, emporte déjà avec elle une part du droit ; l’application du droit n’a de sens qu’en considération des faits qui en constituent l’objet. On peut pourtant prétendre que la distinction du fait et du droit serait évidente. Entre l’événement et la règle, on pressent une différence fondamentale. Dans la pratique quotidienne, on s’encombre peu des subtilités de ce genre. On sait, ou à peu près, que telle notion est juridique, que telle autre est factuelle. Le sujet est ancien, mais n’a jamais trouvé de réponse ferme et définitive. En technique de cassation, cette question est fondamentale. L’office de la Cour de cassation repose sur la distinction du fait et du droit, et la Cour a une place éminente dans le droit français. D’abord par sa position, au faîte de l’ordre judiciaire, mais encore par les missions qu’elle assure : elle uniformise le droit sur le territoire, et veille à son respect par les juges. Pourtant, « la mise en œuvre de la distinction du fait et du droit, dans la détermination de la compétence propre de la Cour de cassation et du Conseil d’État, est fort peu claire et fort peu déterminée ». Devant ces difficultés, et l’importance de les surmonter, la plupart des auteurs d’ouvrages pratiques se sont rangés derrière une solution pragmatique. Peu important la ligne « naturelle » que pourrait suivre la distinction du fait et du droit, c’est la Cour de cassation qui, dans la mise en œuvre de sa politique de contrôle, nous dicte ce qui relève du fait et ce qui doit relever du droit. La notion de faute est contrôlée, mais une critique de l’interprétation d’un contrat se heurterait à l’appréciation souveraine des juges du fond. Immédiatement, on doit constater une malheureuse inversion du raisonnement. La tautologie est patente. L’aspect procédural de la distinction n’épuise pas son intérêt. Plus qu’une question de recevabilité, ce problème a encore une importance capitale sur les limites même du droit. « La distinction du fait et du droit semble inhérente au droit, elle devrait reposer sur sa définition même. » D’une part, elle nous donne le contour de l’objet d’étude des juristes : le fait est la limite du droit, et la position de la Cour de cassation au sein, non seulement de l’ordre judiciaire, mais du système juridique tout entier ne saurait que nous encourager, sinon nous obliger, à nous préoccuper de la distinction du fait et du droit comme pilier de la théorie juridique. Ainsi, malgré les critiques que l’on peut émettre, les arrêts de la Cour semblent encore être notre seul point départ pour l’investigation. La distinction du fait et du droit qui se réalise journellement en justice constitue notre unique matière observable. Une sorte de dilemme se dresse devant nous. Doit-on se ranger derrière la Cour qui fixe par ses rejets et ses censures, par ses contrôles et ses références au pouvoir souverain des juges du fond, la distinction du fait et du droit, ou doit-on regarder au-delà, se libérer notre carcan, au risque, peut-être, de trop s’éloigner de la réalité de la pratique judiciaire, et d’émettre des théories qui ne sauraient jamais produire de conséquences ? On s’y attendait, aucune de ces solutions n’apparaît entièrement satisfaisante. La première problématique réside dans l’apparente impossibilité qu’il y a à établir des critères fiables et fixes du contrôle de la Cour de cassation, et la distinction du fait et du droit qui s’en évincerait. Cela n’autorise pas, en outre, que l’on doive se contenter de justifications de politique juridique. C’est une pernicieuse démission intellectuelle qui en résulterait. Une nouvelle étude en la matière a donc encore sa place. (A. Massard)