C’est avec une grande émotion que nous, membres du CRJFC, rendons hommage à notre collègue le Professeur Jean-Pierre Legros, également ancien enseignant pour certains d’entre nous, décédé le 23 juin 2025 des suites d’une longue maladie.
Après avoir débuté ses études de droit à Besançon, il avait soutenu une thèse de Doctorat sous la direction du Professeur Georges Bolard à Dijon, intitulée Essai sur la motivation, en 1987, avant d’être recruté en qualité de maître de conférences. À l’Université de Bourgogne, il retrouve le Professeur Michel Germain qui a été l’un de ses enseignants à Besançon. C’est ainsi que naquit une réelle complicité, et une véritable passion pour le droit des sociétés, comme en témoigne la publication de leur ouvrage « Travaux dirigés de droit des sociétés : vingt-cinq études de cas » paru aux éditions Litec (Lexisnexis) dans les années 1990 et dont la 9e édition est parue en 2016.
Quelques années plus tard, après avoir brillamment réussi le second concours d’agrégation, le Professeur Legros est revenu en poste en Franche-Comté, d’abord à Besançon, puis à Belfort. Il présida un temps la section de droit privé, ainsi que le master de droit des affaires. Par la suite, souhaitant se rapprocher de sa résidence familiale, il demanda sa mutation (interne) sur un poste de professeur de droit à Belfort. Il créa, au cours de l’année 2017, le Master de Droit de l’Entreprise industrielle et commerciale, dont il resta le directeur jusqu’à son décès, accompagné depuis quelques années par Sâmi Hazoug.
Sur le plan scientifique, avec une formation exceptionnelle en procédure civile, le Professeur Legros sut élargir la palette de ses enseignements et de ses compétences, dans un premier temps en droit des sociétés, puis en droit des entreprises en difficulté. Ainsi, il encadra plusieurs thèses et présida ou participa à des jurys d’une vingtaine de thèses essentiellement en droit des affaires soutenues dans plusieurs universités françaises. Investi, il avait aussi participé à plusieurs soutenances d’HDR et à de nombreux comités de sélection.
Nous sommes plusieurs, à l’Université, à avoir eu la chance de bénéficier de son enseignement, et il sut nous donner l’envie de transmettre à notre tour.
L’équipe pédagogique du Master de Belfort, mais d’autres également, se souviendront de son approche très personnelle du droit privilégiant les ouvertures et les comparaisons à une présentation trop rigide. Lors de nos discussions informelles, parfois dans les couloirs, parfois sur le parking, et qu’importe qu’il pleuve ou qu’il vente, il était souvent question d’un des derniers arrêts de la Cour de cassation, qu’il avait déjà minutieusement analysé. Aucune réforme ne lui échappait, y compris celle qui avait un impact très faible en droit des sociétés ou en droit des entreprises en difficulté. Au fil de la discussion, le sujet juridique glissait doucement mais sûrement sur ses balades à vélo, qu’il avait pris l’habitude de réaliser quasi-quotidiennement, sur les qualités techniques des voitures et tout spécialement les anciens modèles Citroën, les nouveaux ne trouvant pas grâce aux yeux du fils de garagiste qu’il était : trop d’électronique et pas assez de mécanique !
Avec toujours beaucoup d’attention et de bienveillance, le Professeur Legros a enseigné et transmis ses connaissances essentiellement en droit des sociétés et droit des entreprises en difficulté à des générations d’étudiants en Bourgogne-Franche-Comté. Il avait à cœur de donner aux étudiants la meilleure formation possible afin de leur permettre d’atteindre l’insertion professionnelle qu’ils désiraient, en s’entourant d’une belle équipe pédagogique. Les premières réactions à l’annonce de son décès l’ont parfaitement démontré.
Professeur bienveillant, à l’écoute de ses étudiants, nous avons retenu certains témoignages que des étudiants, actuels et anciens, ont exprimé en apprenant son départ :
« Le Pr. Legros m’a profondément marqué par son excellence, sa bienveillance, son sens de l’écoute. », « J’ai le souvenir d’un Professeur à l’écoute de ses étudiants, passionné et passionnant. », « Le Pr. Legros avait des qualités pédagogiques immenses et une passion du droit indéfectible. », « Le Pr. Legros m’a toujours semblé être un homme simple, éminemment savant, qui abhorrait les postures et les faux-semblants et témoignait un attachement sincère pour sa matière, ses étudiants, sa région », « Je garde de lui le souvenir d’un enseignant passionné et profondément humain, dont les enseignements ont imprégné mon parcours et ma réflexion bien au-delà de l’université. », (…)
L’homme était aussi profondément modeste, le C.V. qu’il communiquait faisait moins d’une page. Pourtant, après une rapide consultation du site « ledoctrinal », on ne relève pas moins de 842 références renvoyant à presque toutes les revues de référence en droit des affaires de la revue Droit des sociétés, à la Semaine juridique entreprise, au Bulletin Joly Sociétés, en passant par la Revue des sociétés et même à l’Actualité juridique – Droit administratif, et d’autres encore. À cela, il convient d’ajouter ses contributions à plusieurs Mélanges dont ceux en l’honneur du Président Tricot, du Professeur Germain, de la Professeure Martin-Serf, ainsi que des fascicules d’encyclopédies sur des thèmes situés au croisement du droit des groupements et du droit des entreprises en difficulté : associations, sort des associés, sort des dirigeants, groupe de sociétés notamment. Ses dernières contributions ont été publiées au mois d’avril dernier.
Son départ prématuré a bouleversé tous ses proches. Aujourd’hui, nous nous rendons compte de la chance d’avoir pu côtoyer le Professeur Legros, homme discret fuyant la lumière des tribunes des colloques et des conférences, préférant le calme de sa Franche‑Comté, lui qui était pourtant né à Paris.
L’universitaire, connu de tous par ses écrits, et l’homme, que certains ont eu la chance de côtoyer, reste vivant dans les mémoires de ses nombreux amis.
Sâmi Hazoug, Christine Lebel, Delphine Martin