Centre de recherches juridiques
de Franche-Comté (UR 3225)

Vers une Université plus inclusive : l’UMLP met en place une dispense d’assiduité pour douleurs menstruelles

À la rentrée 2025, l’Université Marie et Louis Pasteur (UMLP) a adopté un nouveau dispositif : la possibilité, pour les personnes menstruées, de bénéficier d’une dispense d’assiduité en cas de douleurs menstruelles invalidantes. Comment fonctionne ce dispositif ? Coralie Mayeur Carpentier vice- présidente en charge de la Qualité de Vie Etudiante, nous présente le dispositif et la philosophie qui l’accompagne. Un témoignage de l’étudiante Enora Vagnaux, vient également éclairer les enjeux de cette avancée en matière de santé publique.

 

Pourquoi l’UMLP a-t-elle décidé de mettre en place ce dispositif ? Quelles ont été les motivations de la gouvernance ?

La dispense d’assiduité pour douleurs menstruelles a été mise en place en collaboration avec le Service de Santé Étudiante (SSE). Ce projet est né d’une demande exprimée au sein de la Commission de la Formation et de la Vie Universitaire (CFVU), où il a été porté par l’étudiante Enora Vagnaux au nom de l’UNEF Franche-Comté, syndicat étudiant. La mention a été votée en septembre 2024.

Des groupes de travail ont ensuite été constitués avec des étudiants concernés, des représentants de la scolarité, des professionnels de santé (dont un médecin et des étudiants  sage-femme). Ces échanges ont été très intéressants et ont permis de mieux comprendre les besoins et de déconstruire les idées reçues sur les douleurs menstruelles.

À qui s’adresse précisément ce dispositif ?

Ce dispositif s’adresse à toute personne menstruée, indépendamment de son genre. Cela concerne bien sûr les femmes, mais aussi les personnes transgenres ou non-binaires. L’objectif est de ne pas stigmatiser, mais d’accompagner chacun avec respect.

La démarche repose sur un certificat médical, établi par un médecin généraliste, gynécologue ou médecin du SSE. Une fois ce certificat obtenu, la personne menstruée peut bénéficier de 2 jours d’absence consécutifs par mois en cas de douleurs importante pendant l’année universitaire, sans avoir à consulter chaque mois. Il n’y a pas de plafond annuel de jours d’absence : c’est un dispositif basé sur la confiance.

Quelles ont été les principales difficultés rencontrées pour sa mise en place ?

Il n’y a pas eu de difficultés majeures. Les groupes de travail ont été l’occasion de faire remonter les besoins des étudiants et le projet a été bien accueilli par les services de scolarité et le corps enseignant. Il y a eu une véritable volonté commune de mettre en place ce dispositif.

Comment ce nouveau dispositif s’intègre-t-il aux régimes spéciaux d’études existants ?

Ce dispositif est intégré aux régimes spéciaux d’études (RSE). Il vient élargir l’éventail des situations prises en compte, avec un objectif clair : ne pas laisser les douleurs menstruelles devenir un obstacle à la réussite universitaire.

Quel accompagnement est prévu pour les équipes pédagogiques ?

Des échanges ont eu lieu avec les équipes pédagogiques et les services de scolarité pour accompagner la mise en place du dispositif. Il a été perçu comme une avancée importante. Il permet aussi aux étudiants de mieux exprimer leur situation auprès des enseignants, ce qui était parfois difficile auparavant.

L’approche est volontairement souple et humaine, dans l’objectif de maintenir le lien avec la formation tout en prenant en compte la santé physique mais aussi mentale des étudiants. Les écouter, prendre en compte leur difficultés, leurs permet d’aborder les études et les examens plus sereinement.

 Pourquoi ne pas avoir fixé de plafond de jours d’absence ?

Le choix a été fait de ne pas imposer de limite stricte, car le dispositif repose sur la confiance avec le médecin. L’expérience montre que les étudiants n’abusent pas de ce type de mesure, et qu’ils souhaitent surtout être accompagnés sans avoir à se justifier en permanence leur souffrance.

 Ce dispositif contribue-t-il à lever le tabou des règles à l’université ?

Était-ce un objectif ?

Oui, le dispositif permet d’ouvrir le dialogue autour de ce sujet encore tabou, de reconnaître que ces douleurs existent : elles peuvent être ponctuelles et malgré tout gênantes pour sa vie quotidienne.  Ou elles peuvent devenir chroniques, et cela nécessite un diagnostic médical parfois long à obtenir. Dans tous les cas, elles ne doivent pas être ignorées lorsqu’elles deviennent handicapantes au point d’être un obstacle au suivi de  sa formation dans de bonnes conditions.  Il est temps pour nos étudiants d’en parler sereinement.

Le Service de Santé Étudiante, via notamment les Relais Santé Étudiants, va proposer également des temps de sensibilisation sur la santé sexuelle, la contraception, les douleurs menstruelles, etc. Ces relais interviendront dans les différents lieux du campus pour renforcer la communication et l’information autour du dispositif. L’objectif du dispositif est d’accompagner l’étudiant pour qu’un suivi, voire un traitement soit trouvé, de façon à limiter ou faire disparaitre les douleurs.

En quoi ce dispositif s’inscrit-il dans une politique plus large de santé publique et d’égalité femmes-hommes ?

Ce dispositif participe à une politique d’égalité d’accès à la formation. Toute personne menstruée, dès lors qu’elle souffre de douleurs qui l’empêchent d’étudier dans de bonnes conditions, doit pouvoir être accompagnée.

Ce n’est pas seulement une mesure de santé, c’est aussi une démarche d’équité et de dignité. Il s’agit de garantir à chacune la possibilité de suivre ses études sans souffrance ni isolement, et dans un cadre bienveillant.

Ce dispositif est-il une victoire ? Une fierté ?

Je dirais que c’est avant tout une fierté collective pour les étudiants. Ce n’est pas une victoire dans le sens d’un combat difficile, car le projet a rapidement trouvé l’adhésion de nombreux acteurs : étudiantes, SSE, scolarités, enseignants…

Nous sommes fiers d’avoir mis en place ce dispositif afin de permettre à tous de suivre ses études sereinement. Et surtout, le simple fait d’en parler, c’est déjà un premier pas important. Ne pas rester seul face à la douleur, c’est ce que nous voulons encourager. La victoire serait obtenue si ces douleurs pouvaient effectivement disparaitre.

 

Témoignage de l’étudiante Enora Vagnaux  : 

« Nous avons porté cette proposition car les douleurs liées aux règles – qu’elles soient pathologiques ou non – n’étaient pas reconnues comme un motif d’absence valable pour les étudiantes.
Dans un contexte où l’accès à un accompagnement médical est difficile, coûteux, cela poussait les étudiants à renoncer aux soins. Cela créait une charge mentale importante, qui pouvait fortement détériorer leurs conditions d’études. En effet, les étudiantes risquaient d’être considérés en situation de défaillance ou de perdre leur bourse du CROUS en cas de nombreuses absences non justifiées. Ces risques pesaient donc plus lourdement sur les personnes menstruées.
La mise en place du congé menstruel permet aujourd’hui d’éviter ces situations injustes. »