L’ordre public matériel, défini par le Code général des collectivités territoriales comme composé de la sécurité, de la salubrité et de la tranquillité publiques, est-il le seul à pouvoir être utilisé par une autorité de police pour limiter les droits et libertés des individus ?
La question n’est pas nouvelle et elle a pu diviser la doctrine. Le droit positif, en particulier jurisprudentiel, laisse en effet place à des interdictions générales et absolues qui ne peuvent être justifiées au moyen de ces trois composantes classiques de l’ordre public. L’arrêt du Conseil d’État relatif au lancer de nain en est un exemple révélateur. Les débats et les dispositions législatives relatifs à l’interdiction de la dissimulation du visage dans l’espace public ont conduit à apporter une réponse à cette question. C’est à cette réponse que le présent ouvrage est consacré.
L’analyse démontre qu’il existe, à côté de l’ordre public matériel, un ordre public que l’autorité de police utilise en l’absence de troubles matériels, pour faire prévaloir face aux droits et libertés subjectifs individuels une exigence supérieure fondée sur des valeurs objectives. Pouvant ainsi être qualifié d’« immatériel », cet ordre public intervient dans le cadre d’un déséquilibre dont serait affecté l’État de droit. Dans ce contexte, c’est une notion fonctionnelle.
Une formalisation de cet ordre public peut dès lors être proposée afin d’en définir un contenu, des fondements textuels, un régime juridique. Justifiant à lui seul une mesure de police, l’ordre public immatériel est ainsi une notion autonome.
En définitive, cet ouvrage, s’il n’ignore pas les réticences à reconnaître l’existence d’un tel ordre public, se donne le projet d’en livrer une formalisation permettant de le faire sortir de sa condition de notion implicite ou innommée.