Le dialogue des juges a puissamment mobilisé les doctrines interniste et européaniste depuis plusieurs décennies. Il est devenu la manière de penser les relations interjuridictionnelles la plus largement admise et partagée par cette doctrine et les acteurs juridictionnels eux-mêmes. Notion structurante et explicative pour certains, concept à la densité juridique discutable pour d’autres, le dialogue des juges peut-il être réinterrogé, réévalué dans un contexte juridictionnel profondément renouvelé au plan européen notamment où la question des rapports de système est devenue particulièrement sophistiquée ? C’est à cet exercice bien délicat que la quarantaine de contributeurs de ce colloque de Tours s’est essayé en tentant de déporter le sujet sur un autre terrain explicatif qui est celui de la concurrence des juges. Et si les juges se livraient à une stratégie bien différente désormais consistant à être les « mieux disants », notamment en matière de droits fondamentaux ? Et si la réalité juridictionnelle ne cachait pas un enjeu de pouvoir parfaitement assumé par certains juges faisant alors de ce dialogue non plus une manière de penser les relations interjuridictionnelles mais un simple argument rhétorique dissimulant à peine leur intention qui est d’avoir la maîtrise complète du dernier mot ?