L’on connaît la division du système kantien en philosophie spéculative et philosophie pratique. Toutefois, il se pourrait que cette distinction classique reflète et exprime une réalité plus profonde, une faille dans la manière dont le système kantien est construit. C’est précisément la lecture de la Rechtslehre qui révèle, comme par un jeu de miroirs, la fêlure du système kantien dans son ensemble. En posant à l’origine du pouvoir politique un Interdit fondateur, elle trahit le dogmatisme qui irrigue la partie pratique du système kantien. La méthode transcendantale, si elle régit indiscutablement le versant spéculatif du système, serait ainsi demeurée impuissante à affecter son versant pratique. Ainsi s’expliquerait, en deçà des motivations personnelles de l’homme Emmanuel Kant et par la logique interne du texte même de la Rechtslehre, le conservatisme autoritaire si souvent relevé par les commentateurs. Un chemin de questionnement s’ouvre alors : dans quelle mesure suivre la méthode transcendantale initiée par la philosophie spéculative kantienne pourrait contribuer à construire une théorie de la connaissance juridique ?